Nanoparticules : que font-elles dans nos assiettes ?

Une nouvelle étude dévoile la présence de nanoparticules dans certains biscuits, plats préparés et chewing-gums sans qu’elle soit mentionnée sur l’étiquette. D’ailleurs, que font-elles dans nos aliments ? Sont-elles nocives pour la santé ?

La protection du consommateur se place au cœur des débats

Le Comité scientifique européen des risques sanitaires émergents et nouveaux a lui-même rappelé qu’il n’y avait pas de fondement scientifique à cette limite de 100 nanomètres Certains scientifiques restent aussi circonspects. « Cette réglementation est franchement incompréhensible », assure Nicolas Feltin. De leur côté, les industriels avouent s’interroger. « Elle ne précise pas à quel niveau de la chaîne de fabrication les produits doivent être exempts de nanoparticules. Or cela a son importance ! Nous savons qu’elles peuvent parfois s’agglomérer entre elles Ces agglomérats peuvent du coup dépasser le seuil de 100 nanomètres et ne pas être considérés comme des nanoparticules à mentionner sur l’étiquette... alors même qu’ils sont composés de nanoparticules ! Inversement, ces amas peuvent se désagglomérer lors de la cuisson, par exemple, faisant apparaître des nanoparticules dans le produit final alors qu’elles n’existaient pas dans l’additif... C’est un casse-tête industriel », explique Christelle Chapteuil. Selon le chercheur Nicolas Feltin, il faudrait évaluer les nanoparticules présentes dans le produit de base. Autrement dit les fameux additifs.
Et même si cet étiquetage était mis en place, quelle serait son utilité réelle ?« Nous souhaitons que les aliments contenant des nanoparticules ne posent pas de problèmes sanitaires, explique Stéphanie Lacour. Lire une étiquette ne va pas correctement renseigner le consommateur sur les risques encourus, puisque les spécialistes ne les connaissent pas eux-mêmes. Nous aurions sans doute intérêt à évaluer les nanoparticules comme les médicaments, c’est-à-dire avant qu’elles soient mises sur le marché, plutôt que de se retrouver avec des produits commercialisés dont on ne sait pas s’ils sont dangereux ou pas. » Un avis partagé par le scientifique Eric Gaffet, qui se prononce en faveur du safer by design, déjà utilisé dans l’industrie automobile pour mettre au point les règles de sécurité auxquelles doivent répondre les véhicules. En d’autres termes, plutôt que d’exiger des fabricants de nanoparticules qu’ils communiquent les différents paramètres physico-chimiques des produits mis sur le marché, ce qui ne renseigne rien ou presque sur leur toxicité, il pourrait leur être imposé de produire des nanoparticules répondant à des paramètres bien définis et jugés respectueux de la sécurité des consommateurs et de l’environnement. « Nous savons aujourd’hui contrôler très finement la production de nanoparticules répondant à des critères définis. Pourquoi ne pas s’assurer dès le départ que ce qui est fabriqué n’est pas nocif plutôt que de réagir a posteriori ? » questionne le chercheur. En attendant, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes)— l’autorité en charge des contrôles garantissant l’information et la protection du consommateur ---- semble enfin prête à s’attaquer à la problématique des nanoparticules. « Nous avons effectué les premiers contrôles au cours de l’été. Nos enquêteurs ont été formés à la nouvelle réglementation et nos laboratoires, dont certains sont spécialisés sur les nanoparticules, développent des techniques pour identifier leur présence dans des produits alimentaires variés, comme les poudres ou les sauces », assure Vincent Designolle, directeur de cabinet à la DGCCRF. Par ailleurs, « on peut s’étonner que l’Anses ait, quant à elle, souhaité mettre un terme fin 2015 au travail du groupe d’experts qu’elle avait formé sur des questions pourtant encore très discutées scientifiquement. .. » commente Stéphanie Lacour.
L’association Agir pour l’environnement appelle de son côté à un moratoire sur la présence de nanoparticules dans l’alimentation tant que leur toxicité n’a pas été mieux étudiée. L’association devrait également lancer d’ici à fin 2016 une base de données sur les aliments contenant des nanoparticules . En effet, dans la base de donnée française appelée R-Nano , qui existe depuis 2013, les industriels doivent déclarer les secteurs concernés par l’emploi de nanoparticules. . mais pas les aliments ! Aux Etats-Unis, des marques se sont déjà engagées à les bannir de leurs produits, comme Starbucks et Dunkin’ Donuts. Les industriels français suivront-ils ?