la disponibilité de l’eau dans les aliments

L’activité de l’eau : aw

l’eau et la conservation des aliments

introduction

L’ eau, de formule chimique H2O, est le constituant majeur de la plupart des aliments. Bien qu ’elle n’ apporte aucune valeur énergétique aux aliments, son existence joue un rôle très important. Elle influence la structure, l’ apparence, le goût des aliments et leur susceptibilité à la dégradation.

Molécule d’eau

  1- La teneur en eau des aliments

La teneur en eau des aliments est très variable : 10 à 20% dans les céréales, 60 à 75% dans les viandes et chairs d’animaux, 80 à 90% dans les fruits et légumes frais.

Teneur en eau de certains aliments Aliments Teneur en eau (%)
AlimentsTeneur en eau (%)
Viandes de bœuf 50 à 70
Viande de poulet 74
Poisson 65 à 81
Poires 80 à 85
Pommes, pêches, oranges 85 à 90
Tomates, fraises 90 à 95
Avocat, banane 74 à 80
Carotte, pomme de terre 80 à 90
Laitue, lentilles 90 à 95
Miel 20
Confiture 28
Farine, riz 12
Poudre de lait 4

La connaissance de la teneur en eau des produits alimentaires est souvent nécessaire et ce pour :

  • Nécessité technologique : La connaissance de la teneur en eau des aliments est nécessaire pour la conduite rationnelle des opérations de récolte, de séchage, de stockage ou de transformation industrielle. C’est un paramètre essentiel pour l’évaluation et la maîtrise des risques d’altération pendant l’entreposage des denrées alimentaires.
  • Nécessité réglementaire : Dans le cas où des textes réglementaires fixent la teneur limite en eau de certains aliments pour des raisons d’hygiène ou pour garantir la loyauté des transactions commerciale.
  • Nécessité contractuelle : Dans le cas où des contrats commerciaux exigent une teneur limite en eau dans un aliment.
  • Nécessité analytique : Les résultats d’analyse des produits alimentaires sont souvent exprimés par rapport à une base fixe (matière sèche ou teneur en eau standard).

 2- Propriétés fonctionnelles de l'eau dans les aliments

L’eau a trois fonctions principales dans les aliments. Ces fonctions sont :

  • Fonction de solubilisation (ou dispersion) : L’eau dans les aliments est le solvant des constituants hydrophiles.
  • Fonction de structuration : L’eau joue un rôle essentiel dans la configuration des macromolécules alimentaires, notamment les protéines et les glucides. L’eau détermine également la structuration de certains constituants en micelle. C’est le cas, par exemple, des caséines dans le lait.
  • Fonction de mobilisation : L’eau, par rapport aux autres fluides, est le facteur de mobilité le plus répondu dans les produits alimentaires.

  3-Expression de la quantité d'eau dans les aliments

  • Teneur en eau

La teneur en eau, ou l’humidité, d’un aliment est la quantité d’eau perdue par la substance lorsqu’on l’amène en équilibre vrai avec une pression de vapeur nulle (Humidité relative égale à 0%). La quantité d’eau perdue est constituée de l’eau fixée par des liaisons hydrogène (eau de sorption, eau retenue par effet capillaire ou osmotique, eau des solutions, eau occluse dans des mailles cristalline et eau de cristallisation) ; l’eau chimiquement liée par des liaisons covalentes est exclue.

La teneur en eau d’un échantillon d’aliment s’exprime en % de la masse d’eau rapportée soit à la masse de matière sèche contenue dans l’échantillon, soit à la masse totale de la matière humide de l’échantillon.

  4-Activité de l'eau

L’activité de l’eau (aw) indique la disponibilité de l’eau d’un produit pour des réactions chimiques, biochimiques, un changement d’état ou un développement de micro-organismes.

L’activité de l’eau (aw) correspond au rapport entre la pression de la vapeur d’eau de l’aliment (pression de la vapeur d’eau à la surface du produit) et la pression de la vapeur d’eau pure à la même température .

La valeur de l’activité de l’eau varie entre 0 (produit sec au point que toute l’eau est liée à l’aliment, et donc sans qualité réactive) et 1 (eau pure et sans soluté, difficile à atteindre et surtout à maintenir).

L’aw d’une solution peut être calculée par la formule de RAOULT :

aw = n1/(n1 + n2)

n1 = nombre de moles du solvant (eau).

n2 = nombre de moles du soluté.

Le tableau ci-dessous donne la valeur de l’ aw de solutions de différentes concentrations de NaCl et de saccharose, mesurée à 25 °C.

Aw de solution de NaCl et de saccharose (Concentration en g/100 g d’eau, aw mesurée à 25°C)
Aw NaCl Saccharose
0,99 1,75 1
0,96 7,01 25
0,94 10,34 93
0,92 13,5 120
0,90 16,5 144
0,85 23,6 208

L’activité de l’eau d’un aliment dépend de la température. Un changement de 10°C peut causer un changement dans l’aw de 0,03 à 0,2 dépendant du type du produit. Ainsi, la modification de la température peut avoir un effet sur la stabilité d’un produit et joue un rôle important dans la conservation des produits dans un emballage hermétique.

 5-Isotherme de sorption

On étudie la relation entre la teneur en eau et l’activité de l’eau d’un aliment.

A l’équilibre, la relation entre la teneur en eau et l’activité de l’eau (aw) d’un produit alimentaire à une température constante peut être représentée par une courbe appelée isotherme de sorption. Pour chaque valeur de aw, l’isotherme donne la teneur en eau (Xeq) du produit à une température donnée.

Les isothermes de sorption sont divisés en trois zones :

  • Zone 1 (aw<0,3) : correspond à l’eau « fortement liée », dite aussi « de constitution ». L’eau est intimement liée aux composants biochimiques par des liaisons hydrogène et forces de Van der Waals et ne peut être séparée que par des techniques très sévères. Cette eau n’est pratiquement pas disponible comme solvant ou réactif et correspond à la première couche (monocouche) qui entoure la matière sèche d’aliments.
  • Zone 2 (aw entre 0,3 et 0,7) : correspond à l’eau « faiblement liée », sous forme de couches polymoléculaires (multicouche) recouvrant partiellement la surface du substrat sec. Bien qu’elle soit aussi disponible tant comme solvant que réactif, elle est moyennement réactive.
  • Zone 3 (aw>0,7) : correspond à l’eau « libre » ou « eau liquide » qui n’est retenue à la surface du substrat sec que par des forces capillaires . Cette eau est disponible tant comme solvant que réactif. C’est uniquement sous cette forme que l’eau est utilisée par les microorganismes et peut permettre les réactions enzymatiques.

On distingue deux types d’isothermes de sorption :

  • Isotherme d’adsorption si elle a été déterminée expérimentalement en partant d’un produit sec.
  • Isotherme de désorption si elle a été déterminée expérimentalement en partant d’un produit saturé en eau.

Les deux courbes sont en général différentes car le séchage d’un produit entraîne des modifications de structure et de porosité irréversibles.

Isothermes d’adsorption et désorption :

  6-Activité de l'eau et conservation des aliments

Risques de détérioration des aliments en fonction de l’activité de l’eau

L’importance de l’activité de l’eau pour la stabilité des denrées alimentaires lors de traitements et entreposage est illustrée de manière très évidente ci-après. D’une manière générale, une stabilité optimale est obtenue lorsque l’aw est située entre 0,2 et 0,3.

Activité de l’eau et les réactions d’oxydation

  • Le rancissement est une des principales réactions de détérioration des aliments à faible ou moyenne teneur en eau ; il s’observe même pour des activités d’eau comprises entre 0 et 0,2 environ (courbe en rouge).
  • L’oxydation des lipides constitue souvent le facteur limitant de la conservation de certains aliments déshydratés ou à teneur moyenne en eau. L’addition d’antioxydants ou une élévation de la teneur en eau peut modifier ces données et aboutir à faire dépendre la stabilité d’autres réactions d’altérations en particulier le brunissement non enzymatique.

Activité de l’eau et le brunissement non enzymatique (Réaction de maillard)

La vitesse de brunissement non enzymatique augmente rapidement avec l’activité de l’eau et atteint un maximum à des activités comprises entre 0,5 et 0,7 (courbe en gris). Au delà de ces valeurs, la vitesse de cette réaction diminue.

Tout comme l’oxydation des lipides, le BNE est souvent le facteur limitant de la conservation des aliments à teneur moyenne en eau. C’est aussi une réaction de détérioration gênante lors des opérations de déshydratation où il faut s’efforcer de traverser la zone critique le plus rapidement possible et à une température minimale.

Activité de l’eau et le brunissement enzymatique

  • L’activité enzymatique (courbe en orange) et le taux final d’hydrolyse s’élèvent considérablement lorsque l’activité de l’eau dépasse 0,7.

Pour éviter l’effet indésirable de l’activité enzymatique qui peut avoir lieu lors de l’entreposage des aliments même à l’état déshydraté ou congelé, on pratique généralement un blanchiment, avant la déshydratation ou la congélation, qui a pour but principal la destruction des enzymes.

Activité de l’eau et les activités microbiennes

  • La croissance des bactéries (courbe en noir) est généralement impossible lorsque l’aw < 0,90. Les moisissures et les levures (courbes en vert clair et vert foncé) sont inhibés respectivement vers une aw de 0,7 et 0,8 sauf certaines moisissures et levures osmophiles qui peuvent se développer jusqu’aux des aw de 0,6. Dans la plupart des cas, l’aw limite de croissance d’un microorganisme est différente de l’aw limite nécessaire pour la production de sa toxine .
Le tableau suivant montre l’effet de l’aw sur la croissance et la formation de mycotoxines par quelques moisissures :
Le tableau suivant présente l’aw limitant le développement microbien :
Le tableau suivant présente l’aw des aliments et les microorganismes impliqués :

Dans un aliment, une activité de l’eau de 0,7 est considérée comme une limite inférieure présentant toutes les garanties de stabilité microbienne.

Cependant 0,91 est une limite en dessous de laquelle le développement des microorganismes est très fortement freiné. C’est cette limite qui a été retenue par la directive communautaire de 1977 pour la conservation des aliments à température ambiante ; elle est même relevée à 0,95 à condition toutefois qu’elle s’accompagne d’un pH inférieur ou égal à 5,2.

Mais le plus utile à savoir c’est que

  • les bactéries « normales » ont besoin de beaucoup d’eau libre :
    Bactéries 0,93 < aw < 0,99
  • les coques tolèrent mieux le sec que les bacilles, et S. aureus est la plus "dromadaire" des bactéries pathogènes
  • Staphylococcus aureus : aw limite 0.86 mais croissance au dessus de 0.90
  • les levures arrivent à croître au dessus de 0.8
  • les moisissures sont les plus résistantes au sec, et poussent au dessus de 0.7, mais lentement .

Pour les bactéries pathogènes les seuils minimaux de croissance sont

  • aw > 0.95 Clostridium perfringens
  • aw > 0.94 Salmonelles
  • aw > 0.93 Clostridium botulinum (correspond à 10% de NaCl)
  • aw > 0.90 Staphylococcus aureus (on trouve aussi la valeur 0.86
    car il pouse au dessus de 0.90, mais « résiste » au dessus de 0.86, et ne fabrique de toxine qu’à + de 0.93)

Réglementation :
Préparation alimentaire stabilisée si aw≤ 0.91
Stable aussi si aw < 0.95 et pH < 5.2

7- La mesure de l’activité de l’eau

Auparavant, la mesure de l’activité de l’eau était longue et frustrante. Les nouvelles technologies de mesure ont grandement amélioré la rapidité, la précision et la fiabilité des mesures.

L’activité de l’eau dans un produit est le rapport entre la pression de vapeur d’eau à la surface du produit (pv) et la pression de vapeur de l’eau pure (vapeur saturée, ps) à la température T du produit.
aw = HRe/100.

L’activité de l’eau dans un produit est donc aussi l’humidité relative d’un air en équilibre (HRe) avec ce produit. L’intérêt de cette grandeur (HRe) est qu’elle varie faiblement avec la température alors que la pression de vapeur d’eau en surface (pv) varie fortement.

La valeur d’humidité relative est importante en génie des procédés, plus particulièrement dans les opérations unitaires faisant intervenir l’air comme agent séchant. En effet, c’est la valeur d’humidité relative de l’environnement, qui comparée à l’activité de l’eau d’un produit solide ou liquide va permettre de connaître le sens des échanges d’eau entre l’air et le produit ainsi que la valeur d’équilibre. Classiquement, l’air ambiant sera chauffé (diminution de son humidité relative et donc augmentation de son pouvoir séchant) avant d’être mis en contact avec le produit à sécher.

La mesure rapide de l’activité de l’eau par le point de rosée mesure l’équilibre de la phase liquide de l’eau d’un échantillon avec la phase vapeur, dans une chambre hermétique. Un échantillon est placé sur une coupelle insérée dans un bloc contenant des capteurs. Le capteur du point de rosée mesure la température du point de rosée de l’air alors que le thermomètre infrarouge mesure la température de l’échantillon. A partir de ces mesures, l’humidité relative est calculée en tant que rapport entre la température du point de rosée et la température de conservation de l’échantillon.

Cette méthode de mesure par le point de rosée présente deux atouts majeurs : la vitesse et la précision puisqu’on se base sur la détermination de la température (nota : une précision de 0, 01aw est généralement suffisante pour les applications liées au domaine alimentaire). Pour certaines applications, les lectures rapides permettent aux fabricants d’effectuer un contrôle en ligne de l’activité de l’eau d’un produit, en vue de réaliser les changements de traitement nécessaires en cours de production.