Le YAOURT

Cet article décrit le yaourt et son process de fabrication industrielle ; j’y aborde :

la définition réglementaire du yaourt
la composition du yaourt
le process de fabrication industrielle
les fermentations lactiques dans le yaourt
la symbiose réalisée par les ferments du yaourt
les rôles de la pasteurisation du yaourt
les intérêts de l’homogénéisation haute pression pour le yaourt

7- Etuvage

Selon le type de yaourt produit, ferme ou brassé, la fermentation lactique se déroule dans des pots ou dans des tanks de fermentation dont la forme, la taille et l’instrumentation varient.

  • Dans le cas du yaourt ferme, la coagulation se tient directement dans le pot, après conditionnement aseptique. L’inoculation et, éventuellement, l’ajout d’arômes ou de colorants sont réalisés dans le lait. Si nécessaire, des préparations de fruits sont apportées directement dans le pot. Puis, le lait ensemencé est distribué dans les pots qui sont ensuite rapidement scellés, incubés et refroidis. L’incubation est conduite soit en chambres chaudes appelée étuves, avec une circulation forcée d’air chaud, puis d’air froid pour le refroidissement, soit en tunnels, dont la longueur et la vitesse de déplacement des palettes contenant les pots de yaourts dépendent de l’acidité du produit recherchée.
  • Dans le cas des yaourts brassés, la fermentation est effectuée dans la cuve de fabrication. En fin de fermentation, le gel est éventuellement brassé dans la cuve, puis pompé pour être refroidi et conditionné. La cuve peut être soit multifonctions (traitement thermique du lait, fermentation, refroidissement), soit uniquement dédiée à la fermentation, soit prévue pour la fermentation et le refroidissement.
    Le volume des cuves disponibles dans le commerce varie de quelques dizaines de litres à plusieurs dizaines de milliers de litres. Elles sont généralement munies d’une double enveloppe afin d’assurer les transferts thermiques et d’un système d’agitation afin d’homogénéiser le lait et de réhydrater les ferments lors de l’ensemencement. Elles sont aussi équipées d’un système de nettoyage en place.

 La fermentation lactique du yaourt :

  Les ferments du yaourt :

Pour bénéficier de l’appellation yaourt, la réglementation en France impose la seule présence des deux bactéries lactiques thermophiles :
Streptococcus ou Lactococcus salivarius subs thermophilus et
Lactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus.

Caractères généraux des bactéries lactiques du yaourt :
Le groupe des bactéries lactiques se caractérise par la capacité de ces micro-organismes à produire de grandes quantités d’acide lactique à partir de sucres fermentescibles, essentiellement le lactose dans le cas du lait.
Elles se développent à 37-45 °C (bactéries thermophiles) . L’acide lactique est le principal produit de la fermentation, le métabolisme est homofermentaire.

 La fermentation lactique du yaourt :

La fermentation lactique est un ensemble de réactions chimiques qui se fait à l’intérieur (cytoplasme) des bactéries qui consomme le lactose du lait.

Équation de la fermentation lactique :
Lactose —>Glucose + galactose

Glucose (C6H12O6) —> Acide lactique (2C3H6O3)

Rôles de la fermentation lactique :

  • Modifier sa texture : liquide—>Solide ; Acidifier le lait pour le coaguler (le faire cailler= obtention du caillé)
  • Modifier son gout : en l’acidifiant (acide lactique) ; de plus les bactéries du ferment peuvent créer des arômes supplémentaires
  • Allonger la durée de vie du produit : grâce à l’abaissement du pH , les bactéries pathogènes ne pourront pas se multiplier (en dessous de pH 4.5 notamment)

 La symbiose des bactéries du yaourt :

Lors de la production de yaourt, l’utilisation combinée de S.thermophilus et L. bulgaricus permet de valoriser l’interaction indirecte positive existant entre ces deux espèces.
Cette interaction, appelée protocoopération, (coopération non indispensable à leur survie) se traduit d’abord par :

  • une augmentation des vitesses d’acidification par rapport aux vitesses observées en cultures pures. (de + la quantité d’acide lactique produite par la culture mixte est supérieure à la somme des acidités produites par chacune des cultures pures)
  • Un accroissement des concentrations bactériennes est observé en parallèle.
  • Elle induit également une amélioration de la production des composés d’arômes (acétaldéhyde notamment)
  • et de la stabilité physique du produit (plus grande viscosité : réduction des problèmes de synérèse).

En quoi consiste cette symbiose ?
Les 2 germes du yaourt sont particulièrement exigeants sur le plan nutritionnel. Ils se cultivent mal seuls sur du lait frais.
Les 2 bactéries, cultivées simultanément vont manifester une croissance plus rapide s’explique par un effet de symbiose ou proto-coopération :

  • Le streptocoque (lactocoque) produit de l’acide formique (qui est aussi produit la le chauffage du lait) et du CO2 qui stimulent la croissance du partenaire (Lb).
  • En échange, le Lactobacille (Lb) libère des Acides aminés et des petits peptides nécessaires au développement du streptocoque (qui est incapable d’hydrolyser les protéines du lait)
    Les lactobacilles démarrent plus précocement leur fermentation
    Les Streptocoques sont inhibés + tardivement par l’acidité.

 Les molécules produites pendant la fermentation du yaourt :

Les conséquences des réactions du métabolisme carboné, qui se déroulent à l’intérieur de la cellule, sont nombreuses sur le produit final.
• Ainsi, l’acide lactique excrété va provoquer une diminution du pH du lait et donc son acidification (surtout Lactobacilles). Cette acidification va permettre la gélification des caséines du lait et modifier la texture du produit. Elle va également influer sur la saveur des laits fermentés, dont la principale caractéristique est l’acidité. En outre, le caractère acide du produit va autoriser un allongement significatif de sa durée de conservation au froid, qui passe de quelques jours pour un lait pasteurisé à 24 jours pour un yaourt.
• Les bactéries lactiques ( Streptococcus) sont également responsables de la production de composés aromatiques qui contribuent à l’arôme des produits. Ces molécules sont des acides non volatils (acides lactique, pyruvique) et volatils (acides formique, acétique, butyrique) ou des composés carbonylés (acétaldéhyde, acétoïne, diacétyle).Si la plupart des travaux s’accordent sur l’importance de l’acétaldéhyde dans l’arôme du yaourt, il semble toutefois que de nombreux autres composés interviennent dans l’arôme global du produit.

• Certaines souches de bactéries ( Streptococcus) sont capables d’utiliser les substrats carbonés pour produire des polysaccharides exocellulaires (mucus) (localisés à l’extérieur de la cellule). Ces polysaccharides sont généralement composés d’unités répétitives, linéaires ou branchées, de sucres de taille variable (di- à hepta-saccharides). Ils vont modifier la viscosité du lait fermenté et présentent donc un grand intérêt pour les qualités texturales du produit.
• Enfin, les bactéries lactiques peuvent produire des bactériocines, qui sont des agents antimicrobiens de nature protéique. Leur action est généralement de type bactéricide. Dans l’environnement acide créé par un lait fermenté, cette fonctionnalité est toutefois peu active.

 Les paramètres influençant la fermentation lactique du yaourt :

La croissance et l’acidification des bactéries lactiques sont fortement influencées par des facteurs physiques, chimiques et microbiologiques. En outre, les effets de ces facteurs peuvent interagir sur leur activité métabolique.

Facteurs physiques

• La température est le premier facteur environnemental à considérer pour le développement des bactéries lactiques. Elle agit sur les vitesses des réactions chimiques et biochimiques. Elle doit se trouver autour de 42 oC pour les espèces thermophiles et autour de 30 oC pour les bactéries mésophiles .
Pour une température d’incubation : de 40 à 42 °C : on favorise l’arôme Streptococcus).
Entre 45 et 46 °C, on favorise l’acidité (Lactobacillus)

• L’activité de l’eau (aw) est liée à la présence de sels ou de sucres. Lorsqu’elle diminue, la quantité d’eau libre décroît et la disponibilité des nutriments est affectée. Concernant les laits fermentés, seule la présence de saccharose (cas des yaourts sucrés) peut diminuer cette activité de l’eau. Ainsi, lorsque l’aw devient inférieure à 0,99, ce qui correspond à une concentration en saccharose de 10 %, l’activité métabolique des bactéries est affectée.

Facteurs chimiques

• La qualité du lait est un facteur d’influence prépondérante pour le développement des bactéries lactiques.Attention aux antibiotiques. Si les teneurs initiales en lactose et en sels minéraux sont suffisantes dans le lait, ce n’est pas le cas de la fraction azotée libre (acides aminés et oligopeptides). La limitation en certaines molécules peut constituer un frein à la croissance.
• Le traitement thermique subi par le lait avant l’étape de fermentation va agir favorablement sur le métabolisme des bactéries. En effet, outre son rôle principal de destruction des micro-organismes indésirables et pathogènes, il permet de détruire les principales substances antibactériennes naturellement présentes dans le lait (agglutinines, lactoperoxydases) ce qui favorisera les croissances bactériennes. De plus, il génère de faibles quantités d’acide formique à partir du lactose, ce qui stimulera la croissance des lactobacilles. Enfin, il contribue à l’augmentation de la teneur du lait en petits peptides et en acides aminés libres.
• Le pH est le troisième facteur chimique important pour la croissance des bactéries lactiques. Il intervient sur la disponibilité en nutriments du milieu, sur la perméabilité de la membrane cellulaire et sur les vitesses d’activité enzymatique. Lors de la production de yaourt, il n’est pas contrôlé et représente donc un facteur majeur de ralentissement du métabolisme bactérien.

Facteurs microbiologiques
• Le taux d’ensemencement du lait avec les bactéries lactiques influence fortement sa transformation. Plus il est élevé, plus rapide est la fermentation. Généralement, ce taux se situe autour de 106 UFC/mL (UFC : unités formant colonie) pour, simultanément, obtenir des durées de fabrication courtes et limiter le coût d’achat des ferments. Pour un ensemencement direct, cela correspond à un taux d’inoculation compris entre 2,5 g et 70 g pour 100 L de lait selon l’espèce bactérienne considérée.
• Les équilibres de population agissent également sur les cinétiques microbiennes. Ainsi, dans le cas de la fabrication du yaourt, la durée de la fermentation varie selon la valeur initiale du rapport entre streptocoques et lactobacilles, même si, en fin de culture, les streptocoques sont toujours majoritaires. Pour le yaourt, la proportion entre streptocoques et lactobacilles habituellement préconisée est de 1:1 mais elle dépend fortement des souches en présence.


Références bibliographiques :

  • Introduction à la biochimie et à la technologie des aliments
    , Volume 2- CHEFTEL
  • Fabrication des yaourts et des laits fermentés, Les techniques de l’ingénieur, vol. f6315.